Concevoir, c’est avant tout répondre à un besoin. Commençons donc par bien définir les données d’entrée à la conception. Poser les bases, définir le cadre et le cap à suivre permet un avancement structuré de votre projet. Bien comprendre ce qu’est le cahier des charges fonctionnel (CdCF), définir précisément le besoin, mener une analyse fonctionnelle la plus exhaustive possible en évitant les écueils optimisera ensuite la réalisation du projet et sa performance en temps et en coût.
Vous avez dit Cahier des Charges?
Très souvent les clients expriment leur besoin et font l’erreur de l’appeler cahier des charges. D’abord, il existe 2 types de besoin. Soit nous cherchons à répondre à un besoin existant et identifié. Soit nous créons un besoin et dans ce cas, il s’agit d’une innovation de rupture. Mais quel que soit la conception, pour garantir l’efficacité du processus, le cahier des charges est un passage obligé.
Préalablement au CdCF, une étude d’opportunité aura confirmé la pertinence de l’initiative et une étude de faisabilité aura validé la viabilité du programme. Le Cahier des Charges Fonctionnel est donc le point de départ du synoptique de conception. Il pose une vision globale et définit la ligne de conduite. Pour ce faire, méthode et rigueur sont de mise.
Le Cadrage Projet
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- Concevoir un produit, ce n’est pas très difficile,
- Développer un produit qui marche, c’est plutôt réalisable généralement,
- Créer un produit qui marche et qui se vende, c’est tout de suite beaucoup plus compliqué !
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Le cahier des charges représente le cadrage du projet. Il repose sur un dialogue structuré entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre. Dans un premier temps, le fruit de cet échange permet de bien mettre à plat le contexte précis de l’entreprise, du marché et de l’environnement réglementaire. Il s’agit d’aborder toutes les questions qui pourraient se soulever au fil du projet, pour les analyser et surtout les anticiper.
Ensuite, il formalise le besoin du client au travers de fonctionnalités à assurer qui elles-mêmes établissent la base du produit. Il prend aussi en considération toutes les contraintes à respecter (techniques, réglementaires, budgétaires…). Enfin, par le cahier des charges, le commanditaire et l’équipe R&D hiérarchisent et caractérisent les fonctions listées. Le CdCF aborde aussi la manière dont les fonctions seront évaluées.
Le projet est envisagé dans sa globalité. La vision est donc aussi périphérique et considère le produit dans tout son cycle de vie, avec un objectif prix incontournable, voire elle doit anticiper un possible retour sur investissement.
Cet outil est un support important pour l’équipe de conception car il met tout à plat, lève les doutes et pose l’organisation. Qui fait quoi ? Quand ? Comment ? Mieux comprendre la demande aide à faire des propositions plus pertinentes. Surtout il évite les dérives, les malentendus et les interprétations.
Vous l’avez compris, ce dispositif préparatoire est donc incontournable. C’est pourquoi nous devons nous appuyer sur une méthode précise et une grande rigueur. D’ailleurs, la norme NF EN 16271 fixe les règles imposées aux acteurs du projet. Elle a remplacé AFNOR NF X50-151 en 2013.
S’il est un point de départ, le Cahier des Charges Fonctionnel n’en reste pas moins un outil de suivi tout au long du processus de conception. Il sera également un document de référence en fin de projet pour mesurer l’écart entre le point de départ et le point d’arrivée du synoptique d’étude. Il est donc également un outil d’évaluation objectif.
Expression du Besoin
Maintenant que nous avons identifié le cahier des charges, il s’agit de décortiquer le besoin. Et surtout il sera important de le mettre en perspective avec son environnement. Notamment, il convient d’analyser les besoins de l’utilisateur mais pas seulement. Nous devons considérer aussi les besoins de l’entreprise, des acteurs qui vont interagir pendant tout son cycle de vie. Faire l’impasse sur cet “examen” amène à tourner en rond, à casser sans cesse, à changer les données d’entrée pour finalement gaspiller du temps (et de l’argent !) car la conception s’éparpille en tout sens.
D’abord une mise à plat
Le besoin est un désir éprouvé par un utilisateur qui n’est pas ou peu satisfait. L’énoncer, c’est définir pour quelle raison il émerge et dans quel but. L’expression du besoin fonctionnel est une vision claire, structurée et précise du projet. Elle pose à qui il sert et sur quoi il agit. L’étude doit donc être particulièrement complète pour précisément identifier et analyser le problème de départ :
- Analyser l’environnement du produit : poser la situation de départ qui sera altérée par le nouveau produit,
- Identifier les inter-acteurs : les usagers qui sont en relation avec le produit et les utilisateurs pour qui le produit va être créé,
- Déterminer à quoi sert le produit, ses fonctions : les finalités du projet, le but à atteindre,
- Repérer les contraintes auxquelles il est soumis et auxquelles il doit répondre,
- Arrêter les objectifs,
- Déterminer les actions à mettre en œuvre et les argumenter : livrables, équipes, planning et budget.
Chez Hoggar, nous nous attachons également à faire un état de l’art, c’est-à-dire un audit de l’existant, notamment au niveau de la protection industrielle. L’idée est de ne pas inventer ce qui existe déjà. Mais au-delà de la protection industrielle, nous allons chercher également à lister les concepts déjà existant dans un environnement similaire – ou pas -, qu’ils soient brevetés, domaine public ou non protégés. Nous allons chercher les bonnes idées partout où elles sont pour les mettre au profit du projet.
L’important reste néanmoins de bien identifier le vrai besoin. En effet, il peut être clairement exprimé, manifeste, sous-entendu voire évolutif. C’est pourquoi, le dialogue entre les intervenants devra être très précis et approfondi.
Besoin exprimé : “J’ai besoin d’un stylo électronique.”
Besoin réel : “J’ai besoin de mettre par écrit mes notes pour ensuite les partager avec mes collaborateurs et partenaires, les modifier/compléter et finalement les archiver.”
Ensuite l’approche produit
Également, le produit doit être approché dans son intégralité d’usage et de cycle de vie (étude, réalisation, distribution, utilisation, fin de vie) tout en considérant la pérennité du besoin (évolution/disparition du besoin). Une erreur serait de se limiter dans la recherche des fonctions : il faut aborder toutes les possibilités d’usage pour faciliter l’émergence d’une innovation et aller chercher de nouvelles cibles potentielles.
En conception, nous utilisons particulièrement un outil méthodique APTE pour représenter et synthétiser tous ces éléments : le diagramme de la bête à corne. Éminemment visuelle et explicite, cette représentation graphique met en exergue à qui, sur quoi et dans quel but le produit est conçu :
Principe de base | Cas concret traité chez Hoggar Solution |
Le produit rend service aux utilisateurs/clients en agissant sur la matière d’œuvre pour satisfaire un besoin énoncé. | Dans cet exemple, l’Audax répond au besoin des amateurs de glisse de retrouver les sensations de leur pratique du snowboard en toute saison et sur tous les terrains (chemins, pistes, champs, etc.) |
Diagramme Pieuvre
L’objectif de l’analyse fonctionnelle du besoin (AFB) est de mettre en perspective les besoins et les fonctions. Rappelons qu’une fonction a pour objet de satisfaire une demande. Il s’agit donc de formaliser et valider une volonté autour d’un système composé d’éléments qui interagissent. Recenser toutes les fonctions de service est donc la première étape à lancer.
Le point sur les fonctions
Il existe deux types de fonctions :
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- Fonctions principales ou fonctions de transfert (FP/FT). Ce sont celles pour lesquelles l’objet doit être conçu, donc qui répondent directement au besoin. Elles sont rattachées à un verbe d’action (ex: alimenter/résister/permettre…). Par principe, le verbe est à la forme positive et à l’infinitif. Il restera neutre, c’est-à-dire ne pas introduire une notion de solution. Ainsi, le rédacteur préfère “lier” à “visser”.
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- Fonctions contraintes (FC) viennent soit compléter soit contraindre le produit. La syntaxe utilise généralement la notion d’exigence (par ex “devoir”). Elles sont fonctionnelles (liées à l’utilisation), économiques, sécuritaires (normes), esthétiques, ergonomiques (adaptées à la clientèle visée) et/ou environnementales.
Bien que la notion de solution doit être exclue de toute expression, il arrive que le client pose des prospectives. C’est-à-dire qu’il impose une fonction mécanique à utiliser. C’est le seul cas où on parle de solution dans le cahier des charges. Par exemple, certains constructeurs automobiles exigent que leurs voitures électriques produisent un certain volume sonore pour que leurs véhicules soient entendus par les autres usagers.
Un réel travail rédactionnel est ensuite essentiel pour mettre en forme les promesses à tenir. Cet effort pose les objectifs à atteindre tout en se préservant d’aborder les moyens à mettre en œuvre.
Pour Hoggar, la prospective holistique est un élément clé de notre méthodologie. Elle est donc largement appliquée dans l’analyse fonctionnelle. Elle nous permet une approche du produit dans sa globalité, dans son environnement large et dans son cycle de vie complet.
Bien aborder le projet dans son ensemble est essentiel. Son environnement est aussi bien le marché dans lequel il s’inscrit, les profils clients, les contraintes fournisseurs, législatives, écologiques, etc. Explorer et analyser les interactions du produit avec son contexte pose le cadre et évite les écueils à posteriori. In fine, l’analyse fonctionnelle permet de parfaire la conception et surtout de maximiser la qualité et le coût final du produit.
En résumé, l’analyse fonctionnelle s’articule autour d’une approche globale du besoin, puis des concepts retenus en fonction des contraintes identifiées. Mais attention à rester vigilant.
Le Diagramme Pieuvre
Une fois l’ensemble des fonctions listées, dans notre métier, nous avons l’habitude de nous appuyer sur le Diagramme Pieuvre ou des inter-acteurs. Cette représentation graphique facilite la compréhension rapide et explicite de toutes les fonctions et interactions mises en évidence.
Le principe est de poser l’objet technique au centre et autour les éléments de son environnement ou E.M.E (éléments du milieu extérieur). Ensuite, on représente les relations entre l’objet et chaque élément extérieur. Ce sont les fonctions ou services rendus par l’objet.
- Les fonctions principales sont des liens reliant 2 éléments de l’environnement et passant par l’objet.
- Les fonctions contraintes sont des liens directs entre l’objet et un élément de son environnement.
- FP1 : Permettre aux usagers de se déplacer sur des pistes tout-terrains et sans neige comme en snowboard,
- FC1 : Doit gommer les aspérités du terrain,
- FC2 : Doit avoir un poids adapté,
- FC3 : Doit avoir un système de fixation,
- FC4 : Doit respecter les normes STRM et BCRM,
- FC5 : Doit permettre la maîtrise de la vitesse,
- FC6 : Doit permettre la conduite de courbes type carving,
- FC7 : Doit s’adapter aux goût des usagers,
- FC8 : Doit être de taille et poids réduits,
- FC9 : Doit avoir un coût raisonnable,
- FC10 : Doit utiliser au maximum des matériaux recyclables.
Jusqu’à présent, nous avons parlé de fonctions de service. L’analyse fonctionnelle technique AFT vient compléter le travail en s’attachant à caractériser les fonctions techniques. Ainsi pour passer de l’abstrait au concret, nous partons d’une fonction de service de laquelle découle différentes fonctions techniques qui donneront lieu à différentes solutions techniques.
L’analyse va découper l’étude en différents ensembles eux-mêmes constitués de nombreux composants qui constitueront la solution. Par l’AFT, nous mettons en exergue les interactions entre les composants qui constituent la solution. L’important est donc de bien identifier la structuration des liens car leur agencement peut donner plusieurs solutions.
Caractérisation des Fonctions
L’objectif du CdCF est de rassembler toutes les attentes autour du produit et ses contraintes. Caractériser les fonctions signifie les qualifier, les quantifier et les hiérarchiser.
Le Tableau de synthèse
Pour expliciter la caractérisation des fonctions, on réalise un tableau de synthèse avec :
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- Les fonctions répertoriées précédemment,
- Leur expression
- Les critères : éléments de jugement observables, mesurables et qui caractérisent la fonction, (dureté, luminosité, masse, coût …)
- Les niveaux ou valeur donnée au critère (km/h, Nm, dB, m²)
Ce tableau de synthèse favorise l’émergence de concepts innovants, facilitée par une perception précise du système dans lequel le produit s’inscrit. Mais attention de s’assurer de la pérennité de la fonction et sa stabilité dans le temps. Cela signifie s’interroger sur ce qui peut l’altérer voire la soustraire.
Dans notre démarche qualité, et pour une approche réellement pertinente, nous poussons la caractérisation au-delà de l’usage commun, mais sans tomber dans la sur-qualité. Nous aimons prendre l’exemple du constructeur automobile qui définit la fonction “étanchéité” de sa voiture. Pour caractériser cette fonction, il peut plonger son véhicule dans un lac mais ça n’aurait pas de sens. Il cherche à ce que l’étanchéité soit garantie dans les conditions d’usage. Il va donc soumettre la voiture à un vent artificiel et un débit d’eau.
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- En raisonnement fonction utilisateur simple, la voiture est soumise à un vent de 200km/h en marche avant et 30km/h marche arrière pour coller au plus près des conditions réelles d’utilisation.
- En raisonnement fonction holistique, nous soumettons la voiture à un vent de 200km/h aussi bien en marche avant que marche arrière.
=> Les voitures sont souvent livrées par transport ferroviaire. Or les véhicules sont chargés en marche avant ou arrière sur les wagons. L’étanchéité doit donc être garantie dans les deux sens de la marche et à 200km/h
Avec la méthodologie Hoggar Solution, nous ajoutons également 3 niveaux de caractérisation :
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- La flexibilité vis-à-vis des niveaux ambitionnés. Selon les dossiers cette flexibilité s’exprimera via une échelle de grandeur (nulle à importante) ou une échelle graduée (1 à 5 par ex.) pour déterminer le niveau de tolérance.
- Limite d’acceptation. Elle découle directement de la flexibilité. En accord avec le client, nous fixons un seuil de tolérance à ne pas dépasser pour chaque fonction où une souplesse est tolérée.
- Enfin, pour faire de notre caractérisation un outil encore plus percutant, nous arrêtons une méthode d’évaluation du résultat qui pose les critères déterminant la validation de l’analyse.
Attention ce tableau récapitulatif n’est pas le cahier des charges mais seulement une composante qui aide à sa rédaction. Se limiter à ce tableau pour rédiger son cahier des charges est une erreur. En effet, il ne permet pas à lui seul d’aller au fond des choses. Le travail amont est essentiel tout autant que le tableau lui-même.
Et si on retenait l’essentiel ?
Le cahier des charges fonctionnel reprend les résultats à la fois de l’expression du besoin et de l’analyse fonctionnelle :
Les étapes sont interconnectées et se succèdent. Chaque équipe projet doit donc les accomplir avec méthode et rigueur pour garantir l’optimisation de la conception. Et contrairement à ce que l’on entend souvent, ce n’est pas du temps de perdu. Au contraire !! Le temps et le budget investis lors de la phase d’étude impactera directement les coûts des phases de développement et d’industrialisation. Et oui, pas besoin de remettre en question toute la conception chaque fois qu’une nouvelle contrainte apparaît ou que les données d’entrée changent. Nous l’avons vu, faire l’impasse sur le cahier des charges peut être lourd de conséquence, de même que le bâcler. Tout le processus de conception part de ce document hautement stratégique.
Finalement, le travail du cahier des charges fonctionnel et de l’équipe en charge de le rédiger est de presser le projet comme des citrons pour en extraire l’essence. C’est donc un travail d’équipe où tous les corps de métier devraient se retrouver autour de la table pour poser tous les éléments.
Ce qu’il est essentiel de retenir est que ce soit pour une innovation de rupture, une transformation ou un développement “basique”, tout projet commence par un cahier des charges détaillé. Tous les projets qui débutent sans ont tendance à s’éparpiller, pinaillent et manquent d’efficacité.
Notre détachement vis à vis de la finalité fait la force d’Hoggar Solution. Nous ne sommes pas experts d’un environnement, d’un secteur d’activité mais de la conception. Notre méthodologie repose sur l’absence d’idées préconçues qui nous permet une ouverture d’esprit très large. Notre capacité à innover que ce soit en termes de produit que de concepts en est décuplée.
Rédiger un cahier des charges complet, détaillé et documenté,
C’est miser sur l’optimisation globale de votre projet.
Et vous alors ?
Nous voilà au terme de cet article. Nous vous avons détaillé, argumenté le pourquoi et le comment du cahier des charges. Mais et vous alors ? Qu’en pensez-vous ? Parce que finalement ce que vous voulez avant tout c’est faire un produit, non ? Surtout c’est aller vite. Surtout vous avez un budget tendu et des besoins en industrialisation, marketing, commercialisation assez lourds. Alors, le cahier des charges… Après tout votre marché vous le connaissez sur le bout des doigts et vos contraintes vous les affrontez tous les jours. Une discussion rapide devrait faire l’affaire.
Qu’en dites-vous ? Donnez nous votre avis sur la question, sur votre vision et vos impératifs projet. C’est souvent dans le débat que les idées émergent et nous sommes particulièrement friands de nouveautés.
Et si vous nous soumettiez votre projet ?
HOGGAR Solution rédige votre cahier des charges fonctionnel
Toute notre équipe se mobilise pour faire de votre projet un succès.